Odyssée et la sorcière du cimetière 3/4

Troisième partie de mon récit :

3

Le porte en bois était vermoulue et obstinément fermée. Odyssée frappa doucement avec ses petites mains, espérant presque que l'on ne l'entendrait pas et qu'elle pourrait prendre ses jambes à son cou.

• Entre Odyssée, sussurra la voix grinçante de la dame.

La fillette pénétra timidement dans l'unique pièce de la bicoque. Au fond, une cheminée crépitait d'un feu engageant. La vieille épluchait des carottes qu'elle mettait à cuire sur un antique poêle à bois à la lueur d'une bougie temblotante. Les toiles d'araignées avaient investi chaque recoin avec minutie. La suie recouvrait le plafond d'une couleur noire vaguement inquiétante alors que le sol était recouvert de terre battue.

• Bonjour madame !

• Bonjour petite, tu peux m'appeler Germaine, comme tout le monde. A moins que tu ne préfères Rose, comme ceux du monde magique.

• Mais c'est quoi votre vrai prénom ?

• Les deux ! Mon patronyme complet est Germaine Rose Croix. Les gens d'ici préfèrent Germaine.

Odyssée leur donna raison. Rose était bien trop joli pour aller avec elle.

• Tu sais, je n'étais pas vilaine dans mon jeune temps, mais cela remonte à si loin maintenant.

• Vous pouvez lire dans mes pensées ?

• Non, mais je connais suffisamment la nature humaine pour deviner ce que pense de moi une petite fille.

Odyssée sentit le rouge lui montait aux joues. Cependant, la curiosité était la plus forte :

• Pourquoi n'avez-vous pas l'électricité, comme tout le monde ?

• Parce que cela fait fuir les créatures magiques. Et puis, on s'en passe très bien, tu sais.

• Mais comment faîtes-vous pour regarder la télé ?

• La télé ? Votre drôle de boîte avec des images. Franchement, je n'ai guère le temps pour me consacrer à regarder la vie des autres. La mienne est déjà bien chargée comme ça. Chaque jour, on vient me demander un remède pour le mal de ventre, un onguent apaisant les piqûres d'insectes ou une plante pour soigner les verrues plantaires. La journée, je cours les champs et les bois en quête des ingrédients idoines.

• Tout ça ? Mais les gens savent donc que vous êtes une sorcière ?

• Pas tout à fait. Ils connaisssent mes dons pour soigner. Ils me considèrent comme une espèce de rebouteuse un peu foldingue.

• Et comment vous paient-ils ?

• En nature. Ils m'apportent des oeufs, un poulet ou un lapin pour agrémenter mes repas.

• Pas d'argent ?

• Jamais. Pourquoi faire ?

La vieille avait terminé son épluchage. Elle jeta les carottes dans une grande casserole qui mijotait, y ajouta une pincée d'herbes puisées dans des bocaux en terre cuite.

• Vous préparez une potion magique ?

• Non, juste une soupe de carottes, mais son effet est un peu magique. Après l'avoir ingurgité, tu n'as plus faim et tu as bien mangé !

• Vous vous moquez de moi ?

• Que nenni ! Une sorcière a le droit de se nourrir aussi. Mais, je parle, je parle alors que tu es venue pour les chapardages d'Aéria.

Toute prise par cet univers étonnant, Odyssée avait complètement oublié le but initial de sa venue. A vrai dire, elle n'était plus certaine de n'être venue que pour ça.

• Le feu-follet, il existe réellement ?

• Naturellement. Tu vois ce trou dans le mur ?

• Celui éclairé par une bougie ?

• Ce n'est pas une bougie, c'est Aéria qui illumine son logis.

Odyssée se rapprocha de l'endroit. Dans le petit interstice, elle découvrit tout un mobilier minuscule. Sur une chaise miniature se tenait une créature toute verte peignant sa chevelure émeraude devant un morceau de miroir. Elle était très belle !

Devinant une présence nouvelle, Aéria se retourna et prit un air courroucé :

• Dégage de là !

• Mais, elle parle !

• Mais, elle me voit !

Germaine intervint :

• Oui Aéria, Odyssée a le Don, et tu lui a pris des objets qui lui appartiennent.

• M'en fiche ! Ces vêtements ne lui allaient pas, elle n'en a donc pas besoin ! Et puis, elle n'est pas en âge de se marier.

Le mariage ? Quelle drôle d'idée ! On ne se marie pas à neuf ans. C'était vrai que les habits de poupée ne pourraient pas lui servir pour ça.

• Qu'elle garde les accessoires, elle en a plus besoin que moi.

• C'est très généreux de ta part Odyssée. Aéria t'en est reconnaissante.

Pourtant le feu-follet ne semblait pas très heureux de ce cadeau. Elle boudait même ostensiblement.

• Qu'est-ce qui lui arrive ?

• Rien, ne t'inquiète pas, Aéria a un sale caractère, ça lui passera. Du moins, je l'espère car tous ses prétendants ont reculé face à tant d'impétuosité. Elle risque de finir vieille fille si ça continue. Elle a même fait fuir tous mes lutins. Sauf, Glücklich, bien entendu.

• Qui est Glücklich ?

• Mon lutin de grenier, mais il est tellement timide qu'on ne le voit guère. C'est d'ailleurs pour ça qu'il n'est pas parti.

• Je peux le voir ?

• Ca ne dépend pas de moi, tu sais.

Vaguement déçue, Odyssée se rappela qu'elle n'était pas chez elle. Elle jeta un oeil sur sa montre et découvrit avec horreur qu'il était déjà huit heures du soir !

• Aïe ! Je vais me faire tuer ! Il faut que je rentre !

• Je comprends. Tu reviens quand tu veux ma puce. Tu fais partie de la Confrérie du Don, tu es ici chez toi.

Odyssée n'écoutait déjà plus. Elle sortit avec fracas et courut de toutes ses forces jusqu'à chez elle. Il y avait un vague espoir d'y être avant ses parents. Le cimetière fut rapidement derrière elle et la maison ne tarda pas à se présenter devant ses yeux.

Les voitures étaient dans le garage ! Catastrophe en vue ! Elle n'était qu'à cinq mètres de l'entrée que la porte s'ouvrit. Son père la dévisageait d'un air furieux tandis que sa mère raccrochait le téléphone. La punition promettait d'être mémorable !

La première partie

La deuxième partie

La quatrième partie